Le président de la Confédération du commerce de gros et international (CGI) revient pour Négoce sur la mise en place des ZFE. Et alerte sur la précipitation, qui pourrait desservir l’objectif poursuivi par cette mesure.

Comment appréhendez-vous la mise en place des zones à faible émission (ZFE) ?

Dans une tribune récente, j’appelais les Pouvoirs publics au pragmatisme. Le rapport Idrac/Jean/Bolzan et les outils du programme InterLUD porté par notre filiale Logistic-Low-Carbon nous donnent les moyens de la co-construction et de la concertation. En allant trop vite dans la mise en place des ZFE, nous prenons le risque de voir ensuite se multiplier les mauvaises idées puis les dérogations et les exceptions, et enfin que le dispositif perde en crédibilité et que le sujet patine dans les 20 prochaines années !

Quelles sont les mauvaises idées à éviter en la matière ?

Elles ne manquent pas. Depuis une quinzaine d’années, on a vu fleurir les fausses bonnes idées, par exemple les hubs logistiques à l’entrée des villes, qui semblaient oublier que les distributeurs grossistes et les logisticiens sont déjà des acteurs majeurs de la massification ! Mais il faut noter qu’aujourd’hui, les grandes métropoles disposent de davantage de compétences. Il va nous falloir les accompagner pour qu’elles montent encore d’un niveau sur la logistique urbaine durable et les inciter à ne pas s’occuper seulement des personnes, mais aussi de la mobilité des marchandises, qui pèsent 20 % des flux. D’autant que ce taux, avec l’explosion de l’e-commerce, va encore monter !

Mais cet e-commerce ne concerne pas spécifiquement les logistiques Bto B ?

Vous avez raison, il faut interroger la logistique du consommateur final qui commande sur une plate-forme digitale le lundi une paire de chaussures, le mardi un livre et le mercredi une perceuse, et qui génère trois livraisons à domicile en cœur de ville. C’est là qu’il y a de vrais leviers de massification, d’autant que les camionnettes utilisées pour ces livraisons individuelles polluent au final beaucoup plus que les gros camions, et génèrent beaucoup de nuisances et d’accidents.

Ce qui n’exclut pas un travail de fond sur les nuisances liées à l’approvisionnement des distributeurs professionnels…

Tout à fait ! Nous devons bien sûr travailler sur les émissions polluantes des véhicules, à travers le gaz aujourd’hui, l’électricité demain et l’hydrogène après-demain. Force est de reconnaître que les solutions n’existent pas encore, et que les projets de start-up valorisés sur les salons professionnels ne trouvent pas pour l’heure de rationalité économique. Nous devons aussi travailler sur le bruit, des moteurs bien sûr mais aussi des portes et le cas échéant des blocs frigorigènes. C’est indispensable pour faire accepter, comme vient de le décider la mairie de Bordeaux, les livraisons en horaires décalés. Enfin, et c’est une demande émergente notamment à la mairie de Paris, nous avons devant nous un travail sur la sécurité, notamment du fait de l’explosion des mobilités douces. Nos chauffeurs doivent être mieux formés, dans des véhicules offrant un maximum de visibilité.

Tous ces efforts sont louables. En attendez-vous aussi de la part des collectivités ?

Assurément ! Je suis notamment étonné du très faible niveau d’information des collectivités sur l’usage de leurs aires de livraison. La plupart d’entre elles ne disposent d’aucune data pour déterminer quelles zones sont utilisées à quel moment, où les camions sont obligés de se garer en double file… Or, les outils sont largement à portée de main !

Pensez-vous que le dialogue avec les collectivités réglera l’accès à l’ensemble des zones ?

Non, dans les grandes villes historiques demeurera toujours un cœur auquel nous ne pourrons pas accéder. Montorgueil et Montmartre, pour prendre l’exemple de Paris, font partie de ces zones. A nous d’imaginer avec les collectivités – et j’ai pu mesurer que la mairie de Paris y était prête – des solutions nouvelles autour de ces zones, avec des aires de stationnement dédiées aux livraisons, réservables à l’avance à l’aide d’un outil numérique, et pour la logistique des 600 ou 800 derniers mètres, de petits véhicules électriques inspirés par exemple des voiturettes utilisées dans les golfs ou les aéroports.

Bref, il y a des innovations majeures à imaginer autour des logistiques urbaines. A condition de s’en donner le temps, et de les penser collectivement

Pour lire cet article sur le site de Négoce : https://www.lemoniteur.fr/article/philippe-barbier-cgi-gare-aux-fausses-bonnes-idees-en-matiere-de-logistiques-urbaines.2179467

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