Les acteurs de la logistique urbaine s’étaient donnés rendez-vous à Paris à l’occasion d’une rencontre organisée par le programme InTerLUD. L’évènement a permis de découvrir des témoignages et des actions déjà mises en place pour verdir la livraison du dernier kilomètre. Les organisateurs ont insisté sur la nécessité de dialoguer pour avancer.
Le 30 novembre a eu lieu à Paris, au Forum des Images, la première rencontre nationale InTerLUD (Innovations territoriales et logistique urbaine durable). Portée par l’Ademe, le Cerema, Logistic Low Carbon, et d’autres organismes, elle a rassemblé des entreprises, des fédérations professionnelles et des collectivités territoriales autour de la logistique urbaine durable. Un sujet qui est loin de se résumer à la livraison aux particuliers. « La logistique urbaine, c’est tout ce qui va concourir à la vie de la ville », lance Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg. Arrivant après le transport des matières premières et du produit fini, c’est le dernier maillon de la chaîne, mais aussi celui qui génère pollution et fortes contraintes sur les voies.
InTerLUD est la concrétisation d’une idée née en 2014. Fort d’un budget d’environ 8 millions d’euros, ce programme se fixe comme objectif d’accompagner tous les acteurs, publics et privés, sur la voie de la réduction de la pollution et de la consommation d’énergie. Pour cela, InTerLUD propose des guides, références techniques, chartes et bonnes pratiques sur son site pour aider à atteindre cet objectif. « Nous ne fournissons pas qu’une méthodologie, nous formons aussi des techniciens et proposons des financements via les Certificats d’économies d’énergie (CEE) », indique Hélène de Solère, cheffe de projet logistique urbaine et interurbaine du Cerema. Le programme InTerLUD a sensibilisé à ce jour 150 collectivités et prévoit de signer 37 conventions d’ici la fin de l’année. « D’autres nous rejoindront en 2022. Notre objectif est d’atteindre 50 accompagnements, de toutes tailles : 15 métropoles, 25 communautés d’agglomération moyennes, et 10 petites communautés d’agglomération », précise Hélène de Solère. Les acteurs économiques ont aussi été approchés. « Nous en avons rencontré 1 600. Tous les secteurs sont concernés par le dernier kilomètre. Nous avons également réuni autour de la table les organisations professionnelles. Nous avons un rôle de facilitateurs », explique Jean-André Lasserre, directeur du programme Logistic Low Carbon.
Favoriser la concertation
Ce n’est pas par hasard que le slogan d’InterLUD est « Agissons ensemble pour une logistique urbaine durable ». Le programme se présente comme une sorte de communauté favorisant la concertation. Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, y loue le « dialogue public/privé, sans lequel on arrive à rien ». Seul dans son coin, un acteur de la filière peut se retrouver rapidement dans une impasse, comme l’explique Philippe Da Soler, directeur des Transports Da Soler et président FNTR Moselle : « Aujourd’hui, un camion électrique coûte à peu près 400 000 euros, ce qui est quatre fois plus cher qu’un véhicule diesel. Il y a beaucoup d’investissements à faire si on veut avoir une distribution avec un nombre important de véhicules électriques parce qu’il faut mettre en place toutes les infrastructures pour les ravitailler en électricité. On doit pouvoir conjuguer les coûts économiques de ces solutions et la réalité du terrain ». Il existe ainsi des difficultés fiancières, techniques, légales, législatives et humaines. De plus, des modifications d’organisation d’une logistique urbaine « impactent le foncier, la voirie, le stationnement, le contrôle, l’aménagement », souligne Jean-Jacques Bolzan, adjoint au Maire de Toulouse et président de la fédération des marchés de gros. Nécessité donc de faciliter le dialogue entre tous les acteurs de la filière.
Une culture du dialogue bien accueillie
La voie de l’ouverture et du dialogue, source de solutions et d’innovations aux yeux du programme InTerLUD, est la bienvenue pour une très large majorité des acteurs du dernier kilomètre. « La logistique urbaine est un élément essentiel pour la filière construction, notamment pour la décarbonation, et InTerLUD apporte la capacité de travailler entre plusieurs filières pour optimiser les investissements et les solutions logistiques internes », explique Hugues Vérité, délégué général de l’AIMCC (Association des industries de produits de construction). « Les entreprises de la distribution représentées par la FCD [Fédération du commerce et de la distribution] ont des entrepôts dans les agglomérations mais également des points de vente situés en centre-ville ou en périphérie. Le développement du modèle omnicanal rend encore plus crucial l’enjeu de la logistique urbaine des enseignes de la distribution. Le programme InTerLUD répond à cet enjeu d’une coordination collective », confirme Giulia Basclet, conseillère environnement de la FCD. Même son de cloche pour de nombreuses autres organisations professionnelles parmi lesquelles l’Union TLF, dont le directeur délégué, Jérôme Douy, déclare : « La logistique urbaine est un sujet essentiel. Il se traduit naturellement par le déploiement dans les territoires de zones à faibles émissions et nécessite un vrai dialogue avec les collectivités. Le programme InterLUD crée cette dynamique et cet espace de dialogue ».
L’éclosion de solutions concrètes
En mettant en relation autant d’entités, InTerLUD a permis de rassembler de multiples solutions pour parvenir à une logistique urbaine durable. Anne-Marie Idrac propose une « mise à niveau technique sur les vignettes-critères ». Sterne pratique la livraison de nuit qu’il estime être « une bonne pratique de logistique urbaine », permettant de livrer plus de points dans le même temps (entre 40 et 60 % en fonction de la situation géographique), tout en évitant les congestions dans les centres-villes. Le groupe de transport optimise également ses tournées pour limiter au maximum les kilomètres à vide, et évite de mettre sur la route des véhicules sous-chargés. Toutenvelo, un réseau de coopératives dédié à la cyclo-logistique, avec des salariés décisionnaires et sociétaires de l’entreprise, livre quant à lui 400 000 colis par an et estime à 100 tonnes la quantité de CO2 évitée. Ses vélos-cargos électriques, qui peuvent tirer des charges jusqu’à 300 kg, permettent également de collecter des déchets encombrant sans générer de pollution (200 tonnes par an sont collectés à Rennes).
De son côté, Lidl France, qui s’inscrit dans une démarche de transition énergétique, a pour ambition de posséder d’ici la fin de l’année 100 camions fonctionnant au gaz naturel, 14 véhicules au B100 et un premier véhicule frigorifique Renault 100 % électrique. Ce dernier livre l’ensemble des supermarchés Lidl en Île-de-France. Un des leviers d’action de l’enseigne est le meilleur remplissage de ses véhicules qui va passer de 94 % à 96 % dans les trois prochaines années (l’équivalent de 13 000 km économisés tous les jours), ainsi que la valorisation des déchets issus des retours de magasins (250 000 tonnes à l’échelle nationale). Point.P, distributeur de matériaux de construction, a lui lancé depuis trois ans un service de péniche pouvant transporter 1 100 tonnes de matériaux, soit 42 camions de 26 tonnes éliminés sur la route. De plus, 90 % des livraisons à Paris sont faites avec des camions au gaz naturel. La marque teste également un service de location de camionnettes électriques pour ses clients. Services Ecusson Vert, société de livraison du denier kilomètre sur Montpellier, exploite le véhicule électrique Easy Flex qui facilite la vie pour ses livreurs et les robots TwinswHeel qui se faufilent dans les petites rues et montent les marches d’escaliers. Enfin, Unigros, l’union des grossistes du marché de Rungis, évoque un projet pilote de mutualisation des commandes porté par quatre grossistes du secteur bio, tous spécialisés dans des domaines complémentaires et ayant des cibles communes de clients. De quoi réduire les émissions carbones de 20 %.
Vers la prolongation du programme ?
2022 sera la dernière année pour le programme InTerLUD. Se posera alors la question de son éventuel renouvellement. « Nous sommes à mi-course. Il faut faire plus, plus vite, surtout dans le contexte des ZFE (zones à faibles émissions) », juge Yann Tréméac, chef adjoint du service Transport et Mobilités de l’Ademe. « Nous souhaitons prolonger le programme car il reste encore à faire », ajoute pour sa part Jean-André Lasserre. Le représentant du Gouvernement, Marc Papinutti, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer du ministère de la Transition écologique, laisse planer le doute : « Avec la crise sanitaire, nous avons tous travaillé ensemble, rapidement. Il faut rester sur la même lancée avec InTerLUD. Comme le Cilog qui a connu une deuxième édition, nous verrons si nous prolongerons la dynamique d’InTerLUD ou pas ».
Lien vers l’article original : https://www.voxlog.fr/actualite/5704/rencontre-nationale-interlud-du-dialogue-naissent-les-solutions